La joie, la colère, la honte, l'amour... Nous pensons nos émotions comme la chose la plus intime, la plus personnelle, la plus "naturelle" qui soit. Elles semblent jaillir du plus profond de nous-mêmes, comme des réactions biologiques universelles.
Et si c'était plus compliqué que ça ? Et si nos émotions, loin d'être de purs réflexes, étaient en réalité façonnées, codifiées et même exigées par la société dans laquelle nous vivons ?
C'est l'hypothèse vertigineuse et passionnante qu'explore la sociologie des émotions. Pour vous initier à ce champ de recherche qui bouleverse nos certitudes, il existe un guide parfait : le "Que sais-je ?" "La sociologie des émotions", écrit par la sociologue Elvire Bornand.
L'Idée Générale : Vos Émotions ne Vous Appartiennent pas Entièrement
Le point de départ de ce livre (et de ce courant de pensée) est une rupture radicale avec le sens commun. Non, nos sentiments ne sont pas que le produit de notre psychologie ou de notre biologie. Ils sont aussi, et surtout, le produit de normes sociales invisibles.
Pensez-y :
On ne ressent pas la même chose (ou on n'est pas censé exprimer la même chose) lors d'un enterrement, d'un mariage ou d'une réunion de travail.
La manière d'exprimer l'amour ou la colère varie énormément d'une culture à l'autre, d'une époque à l'autre.
Ce "Que sais-je ?" nous donne les clés pour comprendre cette "grammaire sociale" de nos émotions, à travers des concepts fondamentaux :
Les "Règles du Sentir" (Feeling Rules) : Théorisées par la sociologue Arlie Hochschild, ce sont des normes sociales qui nous dictent ce que nous devrions ressentir dans une situation donnée. Elles nous disent si notre émotion est "appropriée" ou "déplacée". On apprend ces règles dès l'enfance, sans même s'en rendre compte.
Le "Travail Émotionnel" (Emotional Labor) : C'est le fait de devoir gérer, feindre ou supprimer ses propres émotions pour se conformer aux attentes d'un rôle social, notamment dans le monde du travail. L'exemple classique est l'hôtesse de l'air qui doit afficher un sourire bienveillant quelles que soient ses propres émotions ou le comportement des passagers. C'est un véritable travail, souvent épuisant et majoritairement assumé par les femmes.
Les Émotions comme Moteur du Politique et de l'Économie : Le livre montre aussi comment les émotions sont mobilisées dans la vie collective. La peur est un puissant levier politique. L'enthousiasme est nécessaire aux mouvements sociaux. Le désir est le carburant de la société de consommation.
Pourquoi ce "Que sais-je ?" est la meilleure porte d'entrée ?
Une Synthèse Parfaite : Elvire Bornand réussit l'exploit de résumer de manière claire et concise un champ de recherche très riche, de ses pionniers (comme Durkheim ou Elias) à ses développements les plus récents.
Des Exemples Concrets : Le livre n'est jamais abstrait. Il s'appuie sur des exemples de la vie quotidienne, du travail, de la politique ou de la famille pour illustrer chaque concept.
Un Outil pour se Comprendre : C'est un livre qui offre une nouvelle grille de lecture de nos propres vies. Il permet de comprendre pourquoi on se sent parfois "obligé" de ressentir certaines choses, ou pourquoi certaines situations professionnelles nous vident émotionnellement.
En conclusion, "La sociologie des émotions" est une lecture fascinante et libératrice. Elle ne nie pas la sincérité de nos sentiments, mais elle révèle la partition sociale invisible sur laquelle nous les jouons. Un petit livre indispensable pour comprendre que nos cœurs, eux aussi, sont des produits de la société.
Titre Exact et Informations sur le Livre
Titre exact : La sociologie des émotions
Auteure : Elvire Bornand
Éditeur : Presses Universitaires de France (PUF)
Collection : Que sais-je ? (n° 4224)
Année de publication : 2022
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